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Les enfants du dernier rang
20 novembre 2011

Déclin pour les uns, progrès pour les autres... Et la France dans tout ça ?

Pourquoi les Américains n’arrivent plus à apprendre ?

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L’éducation est le moteur de la mobilité sociale, et elle patine. Les Américains ont deux options : améliorer leur système éducatif, ou accepter un plus bas niveau de vie.
De Fareed Zakaria (in Time du 14 novembre 2011, traduit de l'anglais).

Depuis le mois dernier, nous nous sommes tous extasiés au récit de la vie de Steve Jobs, un enfant adopté par des parents ouvriers, qui a abandonné l’université pour devenir l’un des meilleurs techniciens et entrepreneurs de notre époque.

Comment a-t-il fait  cela ? Bien sûr,il était une personne extraordinaire à titre individuel, et cela explique beaucoup son succès, mais son environnement a dû également jouer un rôle.
Une part de cet environnement, c’est l’éducation. Et il est intéressant de noter que Jobs a eu une excellente éducation secondaire ; L’école qu’il a fréquentée, Homestead High à Cupertino (Californie), était une école publique de premier rang qui lui a donné de bonnes bases tant dans les sciences humaines que la technologie. Il en a été  de même pour Steve Wozniak, le plus technicien des co-fondateurs d’Apple, que Jobs a rencontré dans cette même école.

En 1972, l’année où Jobs a obtenu son diplôme de fin d’études, les écoles publiques californiennes étaient admirées du monde entier. Elles étaient généralement classées dans les meilleures du pays, bien financées et dirigées, avec d’excellents professeurs. Ces écoles ont été le moteur de la mobilité sociale qui a permis l’épanouissement de personnes telles que Steve Jobs ou Steve Wozniak.

Aujourd’hui, les écoles publiques californiennes sont un désastre, en proie au dysfonctionnement et au délabrement. Elles se classent dans les dernières du pays, tout comme les Etats-Unis qui se situent maintenant au bas de la liste des pays industrialisés en terme de système éducatif, selon la plupart des mesures internationales. Le forum économique mondial classe le système éducatif américain à la 26 ème place dans le monde, loin derrière des pays comme L’Allemagne, la Finlande, les Pays-Bas, le Danemark, le Canada et Singapour. En sciences et en mathématiques, les USA font encore pire.

Nous parlons du déclin du système éducatif américain depuis trente ans maintenant, si bien que la confusion règne dans le débat. Mais les conséquences de cette crise commencent juste à apparaître pleinement. Comme le système éducatif s’effondre, le salaire moyen des travailleurs américains stagne, et la mobilité sociale -le cœur du rêve américain- est au point mort. L’éducation est, et a toujours été, la voie la plus rapide vers l’ascension sociale. Et les bénéfices d’une bonne éducation restent évidents, même en ces temps de crise. Le taux de chômage des diplômés d’université est de 4%, mais pour les sortants de lycée il est de 14%. Si vous abandonnez vos études après le lycée -et les USA ont un taux d’abandon de 25%- vous aurez une perte sèche de niveau de vie pour le reste de votre vie.

Le besoin d’une meilleure éducation pour davantage d’Américains n’a jamais été aussi urgent. Tandis qu’ils étaient assoupis, le reste du monde est passé à la vitesse supérieure. Les pays d’Europe et d’Asie ont travaillé dur pour augmenter leur taux de diplômés du supérieur, tandis que celui des USA –autrefois l’un des plus hauts- a stagné. D’autres pays se sont concentrés sur les mathématiques et les sciences, tandis qu’en Amérique les diplômes dans des « matières » telles que le sport ou les loisirs ont proliféré.

Bill Gross, le leader de Pimco, le plus puissant fond d’investissements du monde, résume sans ambiguïté : « Notre force de travail est trop chère et pas suffisamment éduquée pour le marché du travail actuel. » On voit deux variables ici : le niveau de l’éducation, qui est bas, et les salaires, qui sont hauts. Même les Américains devront augmenter leur niveau d’éducation, ou baisser leurs salaires.

Comment faire ? Il y a une méthode simple, attestée par le temps. Travailler plus dur. Thomas Edison disait que le génie, c’était un pourcent d’inspiration et 99% de transpiration. Malcolm Gladwell a prouvé que derrière les talents supposés innés comme la virtuosité musicale, reposait énormément de pratique -selon ses calculs, environ 10 000 heures d’entraînement. Les écoliers américains passent moins de temps à l’école que leurs pairs à l’étranger. Ils ont des journées d’école plus courtes et une année scolaire plus courte. Les enfants de Corée du Sud, à la fin du lycée, auront passé presque deux ans de plus à l’école que les Américains. Est-ce donc vraiment si étrange qu’ils réussissent mieux aux tests ?

Si la Corée du Sud nous enseigne l’importance du travail, la Finlande nous apprend autre chose. Les étudiants finlandais se classent parmi les meilleurs dans les tests internationaux, mais ils n’ont pas suivi le modèle asiatique (étudier, encore étudier, toujours étudier). A la place, ils commencent l’école une année plus tard que la plupart des pays, mettent l’accent sur la créativité, et dédaignent les évaluations pendant la plus grande partie de l’année scolaire. Mais les Finlandais ont d’excellents professeurs, qui sont bien payés et traités avec le même respect que les médecins ou les juristes. Ils sont recrutés et formés à travers un protocole extrêmement rigoureux et concurrentiel. Tous les enseignants doivent avoir un master, et un sur dix seulement est accepté dans le programme de formation des professeurs. Le contraste avec les USA est flagrant. La moitié des professeurs américains ont obtenu leur diplôme en étant classés dans le dernier tiers de leur classe d’université.

Bill Gates a dépensé environ 5 milliards de dollars pour étudier et réformer le système éducatif américain. Je lui ai demandé ce qu’il ferait s’il dirigeait une école et qu’il avait une baguette magique. Sa réponse : « embaucher les meilleurs professeurs ». C’est ce qui produit les meilleurs résultats pour les étudiants, davantage que la taille de la classe, le budget, ou le programme. « Donc, la simple recherche des meilleurs enseignants est devenue notre plus gros investissement » dit-il. Une étude estime que si les étudiants noirs avaient des enseignants diplômés dans le quart supérieur quatre ans de suite, cela serait suffisant pour combler l’écart de résultats avec les étudiants blancs.

Il y a beaucoup d’autres idées qui valent la peine d’être essayées, mais on peut se perdre dans les détails du débat sur l’éducation. Ces deux idées-là semblent simples : travailler plus et avoir de meilleurs professeurs. Certes, les mettre en œuvre n’est rien moins que simple. Elles butent contre un système éducatif qui est profondément résistant au changement et des syndicats enseignants qui gardent jalousement leurs prérogatives. Toutes les mesures spécifiques qui permettraient aux étudiants de travailler davantage et aux bons professeurs d’être identifiés et récompensés -plus de jours, plus d’heures de travail, salaire au mérite- se heurtent aux syndicats enseignants et aux gardiens du statu-quo.

Si l’on  est déprimé par les obstacles devant la réforme de la bureaucratie de l’éducation, on peut être enthousiasmé par ceux qui, en dehors du système, essaient de le révolutionner.

Prenons Sal Khan, qui a accidentellement créé ce qui pourrait être une nouvelle façon d’enseigner. Il y a sept ans, ce diplômé du MIT aidait sa cousine, qui vivait de l’autre côté des Etats-Unis,  à faire ses devoirs de mathématiques. Comme se voir était difficile, un ami a suggéré qu’il mette ses diagrammes et équations sur youtube afin qu’elle puisse y accéder. Cinq ans plus tard, Khan a créé 3000 vidéos sur les maths et les sciences qui ont été vues 80 millions de fois !

Mais la vraie révolution a eu lieu en classe. L’année dernière, Los Altos (Californie) a décidé d’utiliser les vidéos de Khan et ses programmes informatiques dans ses écoles publiques. Faire cela a totalement renversé les perspectives. Dans la méthode traditionnelle, les étudiants s’assoient en classe, et reçoivent les informations de leur professeur en prenant des notes –un procédé passif qui gaspille le précieux temps de classe. Ils font le travail le plus difficile –résoudre les problèmes- chez eux, sans aide. Avec le nouveau système, ils regardent les vidéos de la Khan académiechez eux et résolvent les problèmes en classe, où le professeur peut le plus efficacement les aider ; De plus, les étudiants peuvent apprendre à leur rythme –en revoyant les vidéos- jusqu’ ce qu’ils aient réellement compris la notion. Les premiers résultats ont montré de gigantesques progrès des compétences des élèves. La technologie peut-être utilisée pour créer une éducation interactive, personnalisée, à la fois originale et performante.

La raison pour laquelle j’ai été fasciné par la Khan académie -autre le fait que j’ai utilisé ses vidéos pour mon fils de 12 ans- c’est que c’est une innovation si américaine dans son fondement, une nouvelle façon de penser l’enseignement.

J’ai été formé par le système éducatif asiatique, qui est maintenant si admiré.  Il m’a donné une base de connaissances extensives et m’a appris comment travailler vite et dur. Mais quand je suis allé au Etats-Unis pour l’Université, j’ai découvert que je n’étais pas  bien formé à penser. L’éducation américaine, à son meilleur niveau, vous apprend à résoudre des problèmes, à vraiment comprendre les documents, à questionner les références, à penser par vous-même et à être créatif. Elle vous apprend à aimer le savoir, et à savoir ce que vous aimez. Ce sont des valeurs incroyablement importantes, et c’est pourquoi les Etats-Unis ont été capables de maintenir un tel niveau dans les industries créatives et dans l’innovation en général.

Les Etats-Unis doivent vraiment faire quelque chose pour leur éducation, en remettant l’accent sur des choses basiques telles que le travail, mais aussi en renouant avec ce qui faisait sa spécificité. Les Américains ne réussiront pas en devenant plus asiatiques, mais en devenant, comme l’a dit l’écrivain James Fallows, « plus comme nous sommes ».C’est  ce qui a fait de l’Amérique la société la plus dynamique du monde, et elle peut le faire encore.   

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