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Les enfants du dernier rang

31 janvier 2012

L'ÉCOLE DÉLAISSÉE !

evo recrut

Suppression de postes, fermeture de classes, réduction des mesures de soutien..., la cure d’austérité que subit l’école déstabilise le système éducatif français.

Moins de profs, plus d’élèves. C’est la délicate équation sur laquelle doivent plancher les chefs d’établissement pour préparer la rentrée 2012. C’est en effet l’Education nationale qui paie le plus lourd tribut à la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partants à la retraite, dictée par la révision générale des politiques publiques (RGPP). La moitié des non- remplacements intervenus dans la fonction publique ont été absorbés par le système scolaire (66000 postes supprimés depuis 2007).

Lan dernier, la très contestée réforme de la formation des enseignants a permis d’amortir le choc. La suppression de l’année de stage des professeurs qui venaient de décrocher le concours a compensé la baisse des effectifs, quitte à jeter dans le bain ces nouvelles recrues sans formation ni apprentissage du métier.

Mais cette année, les coupes sont beaucoup plus visibles. D’autant que l’argument démographique, régulièrement brandi par le gouvernement, ne tient plus la route. Jusqu’ici, le ministère se retranchait derrière la baisse du nombre d’élèves pour justifier sa politique. Mais la tendance s’est inversée : depuis dix ans, les Français font de plus en plus de bébés, et ces enfants sont désormais devenus des écoliers et des collégiens. Un vivier qui alimente chaque année les effectifs scolaires et qui n’est pas prêt de se tarir. 

Cette réduction des moyens va peser en premier lieu sur les élèves les moins bien lotis, scolairement et socialement. En témoigne la diminution du nombre d’enseignants spécialisés dans l’aide aux élèves en difficulté dans le primaire, les Rased (600 postes supprimés en 2011, soit 30 000 enfants privés de leur soutien). Mais aussi l’inéluctable augmentation du nombre d’élèves par classe que vont provoquer ces restrictions budgétaires, alors que la France se distingue déjà des autres pays de l’OCDE par un taux d’encadrement dans le primaire particulièrement bas. En 2009, on y comptait 19,7 élèves par enseignant, contre 16 en moyenne au sein de l’OCDE et 14,5 dans l’Union européenne. Ce n’est pas anodin: comme l’a montré l’économiste Thomas Piketty, moins les classes sont surchargées, plus les résultats scolaires des enfants issus de milieux défavorisés tendent à s’améliorer, notamment en primaire.

Cette évolution est d’autant plus inquiétante que le primaire était déjà le parent pauvre de l’Education nationale. La dépense moyenne par élève est en effet de 5 400 euros en maternelle et de 5700 euros à l’école élémentaire, contre 8000 euros au collège, 11 000 euros au lycée et 15000 euros en classe préparatoire. Ce sous-financement de l’enseignement primaire est une marque de fabrique hexagonale. Pour que la France y consacre le même effort financier que la moyenne des pays de l’OCDE, il faudrait augmenter la dotation du premier degré de 1 000 euros par élève et par an. Un investissement légitime: c’est en effet à ce niveau que se détermine largement le destin des élèves et que les inégalités scolaires prennent racine.

Au collège et au lycée, la situation n’est guère plus reluisante. Pour boucler leur budget, les proviseurs doivent faire la chasse aux petites économies. Les heures supplémentaires sont devenues incontournables, au point de représenter 11 % du total des heures d’enseignement en lycée général et technologique. Autre levier souvent utilisé : la limitation du nombre de cours à effectif réduit, l’abandon de projets éducatifs ou encore, en première, le regroupement d’élèves de filières différentes pour suivre certains cours, comme l’histoire-géographie, alors que seuls les scientifiques vont passer cette matière au bac à la fin de leur année de première, et non en terminale comme les autres. Les mesures d’aide et de soutien personnalisés sont également sacrifiées, bien qu’elles aient été introduites récemment par le gouvernement.

Malgré tout, ces ajustements à la marge ne suffisent pas toujours à préserver les enseignements obligatoires: 12 % des établissements disent ne plus pouvoir respecter les horaires nationaux. Mais surtout, les coupes sont inégalement réparties : ce sont les collèges et les lycées accueillant le plus d’enfants de familles défavorisées qui perdent le plus d’heures d’enseignement.

Bref, à l’heure de la rigueur, l’école est priée de se serrer la ceinture. Certes, la qualité d’un système scolaire est loin de se réduire à une simple question de moyens. Mais cette cure d’austérité pose d’autant plus de problèmes que cela fait maintenant quinze ans que la France investit de moins en moins dans l’école. La dépense intérieure d’éducation ne représente en effet plus que 6,9 % du produit intérieur brut (PIB), contre 7,6% en 1995. Une évolution à rebours de ce que l’on observe dans la plupart des autres pays de l’OCDE, où la part du PIB consacrée à l’éducation a au contraire tendance à progresser Avec Israël, la France est d’ai[leurs le pays qui a le plus réduit son effort financier vis-à-vis de l’enseignement depuis l’an 2000.

Les répercussions de cette situation se lisent également dans les conditions de travail des enseignants. Face à des classes bondées et à l’avalanche de réformes à moyens constants, la fatigue gagne. Sans compter que la reconnaissance salariale annoncée est loin d’être au rendez-vous. Comme le soulignait la Cour des comptes en 2010, les professeurs français travaillent plus que la moyenne de leurs homologues de l’OCDE, mais leurs salaires ne suivent pas. Rapporté au PIB par habitant, le niveau moyen de rémunération des enseignants français est inférieur de 17% à la moyenne de l’OCDE pour le primaire, de 15% pour le collège et de 19% pour le lycée. Autre singularité hexagonale, la France est l’un des rares pays industrialisés où le salaire des profs a baissé entre 1995 et 2009. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les candidats ne se bousculent plus pour passer les concours externes de l’Education nationale.

Sources : Alternatives Economiques n°306

 

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17 janvier 2012

LES BONNES RECETTES DE PAPA BUFFETT

waren

 Vous avez sans doute déjà entendu parler du milliardaire américain Warren Buffett. Il a récemment fait parler de lui en demandant à l'état américain d'augmenter les impôts pour les plus riches. Ceci dit, il est peu susceptible de passer pour un dangereux gauchiste ; il possède 8 % de la société Coca-Cola et plusieurs jets privés… Cette semaine, pour le magazine Time, il explique ce qu’il ferait pour améliorer la société américaine. Cela tient en sept points, dont certains hommes politiques français feraient bien de s'inspirer.

Voici les sept conseils :

Ne pas baisser les taxes sur les sociétés ; selon lui, l'idée que le business américain est désavantagé à cause de son haut taux d'imposition sur les sociétés est une idiotie. (Et on peut supposer qu'il sait de quoi il parle !)

Augmenter le taux d'imposition sur les plus riches ; Warren Buffett voudrait voir les gens qui gagnent de l'argent grâce à la finance payer davantage que ceux qui en gagnent grâce au travail.

Supprimer le rapatriement des profits faits à l'étranger ; autoriser les sociétés à rapatrier leurs profits depuis des pays où il n'y a pas d'impôt est nuisible à la concurrence.

Limiter les gains de la spéculation ; l'idée que vous pouvez détenir un stock pour 10 secondes et obtenir 60 % de biens imposés comme des profits obtenus à long terme est un non-sens selon Buffett.

Être ferme avec les dirigeants d'entreprise ; ils devraient renoncer à cinq années de leur paie si leur entreprise devait être renflouée.

Se débarrasser des écoles privées ; il dit, en ne plaisantant qu'à moitié, que s'il y avait moins d'écoles privées, plus de familles riches investirait dans le service public d'éducation.

Réformer la sécurité sociale ; selon lui, c'est le « ver solitaire » de l'Amérique, qui handicape la compétitivité bien plus que les impôts.

 Audrey B.

7 décembre 2011

Dégradation de la note financière de la France : comment c’est (bizarrement) lié à l’école !

On apprend aujourd’hui (le 6 décembre 2011) que l’agence Standards and Poors menace de dégrader la fameuse note financière AAA de la France. Jusque-là, vous ne voyez peut-être pas très bien en quoi cela aurait un lien avec notre école… mais attendez un peu. 

Voici ce que recommande le communiqué de Standards and Poors aux nations en « danger » de dégradation (repris par Libération d’aujourd’hui) : "Pour les nations débitrices, [les réformes] impliqueront non seulement de plus importantes économies dans le secteur public, mais aussi des mesures pour renforcer les exportations et la flexibilité des marchés du travail, des biens et des services", écrit S&P.

« importantes économies dans le secteur public »…On commence à y voir un peu plus clair…Mais ce n’est pas fini.

Figurez-vous que si vous avez la curiosité de chercher un peu qui sont ces clairvoyants oracles de chez Standards and Poors (quelques clics sur internet suffisent) vous découvrirez que cette fameuse firme appartient à une grande compagnie de « services », McGraw-Hill Companies, qui, comme par hasard, comprend une branche « éducation »…Je cite (site officiel de la compagnie) :
McGraw-Hill Education, a division of The McGraw-Hill Companies, is a leading innovator in the development of teaching and learning solutions for the 21st century. Through a comprehensive range of traditional and digital education content and tools, McGraw-Hill Education empowers and prepares professionals and students of all ages to connect, learn and succeed in the global economy. McGraw-Hill Education has offices in 33 countries and publishes in more than 65 languages.

Cette compagnie se présente comme « un leader innovant dans le développement de solutions éducatives pour le 21ème siècle »…mais enfin, si l’on peut lessiver un peu la concurrence publique avant d’attaquer les marchés européens de l’éducation, ce sera nettement plus facile d’être le « leader » !

De là à dire que les annonces de Standards and Poors sont guidées par des intérêts bien compris…Il n’y a qu’un pas que je franchirai aisément !

Audrey B.

3 décembre 2011

ça vous fait rire ?

Evolution

 A peine caricatural...

30 novembre 2011

A propos de la violence scolaire...

vlolence scolaire

 

 

L’école :

Fabrique de violence !

Quatre facteurs


 

-  La stabilité et activités des équipes pédagogiques et habitudes de travail. 

   Trop de mutations, peu de travail d’équipe.

 - La clarté des règles et la lisibilité de l’organisation de l’ordre scolaire.

   Une école trop stricte en comparaison des autres pays et un pourcentage de violence plus élevé !

-  Les effets du contexte communautaire, la sanctuarisation de l’école.

   L’établissement doit être un lieu de vie intégré dans son quartier et non un espace de formation fermé où l’on accueil les parents que lorsque ça ne va pas.

 -  Le travail sur la culture de l’établissement.

    Vie sociale conviviale.

 Il semble selon Benjamin Moignard que l’école française est restée sur un mode napoléonien où son but n’est pas de garder les enfants au sein de cet espace mais d’en sortir l’élite « du général » ! Grave erreur puisque aujourd’hui il y a une massification qui ne permet plus ces classes silencieuses de bons élèves.

 La violence n’est pas du qu’à l’élève agresseur et mal élevé ! Le système est à revoir ! L’agresseur peut être victime avant d’être violent ! L’échec et la dévalorisation fait souffrir. La violence peut être une réponse pour certains enfants !

 Benjamin Moignard
« L’école et la rue : fabriques de délinquance ! »

Liens :

http://sejed.revues.org/index5132.html 

http://www.preventionviolence.ca/html/thematique.html

 

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30 novembre 2011

Les enseignants jugent l'école...

comparaison16 sept. 2011.
L'enquête Ipsos/Logica Business Consulting réalisée pour le magazine l'Histoire en partenariat avec la Casden montre que les deux principaux problèmes auxquels les enseignants jugent qu’il faut s’attaquer en priorité à l’école sont le nombre d’enfants par classe et la maîtrise du français à l’écrit comme à l’oral. Tout comme le grand public, ils sont par ailleurs une majorité à remettre en doute la capacité de l’école à assurer la promotion sociale des élèves.

Les deux principaux problèmes auxquels les enseignants jugent qu’il faut s’attaquer en priorité sont le nombre d’enfants par classe (51%) et la maîtrise du français à l’écrit comme à l’oral (45%). Les enseignants ayant pris leur fonction le plus récemment (moins de 5 ans d’ancienneté, 65%) et exerçant au primaire (63%, dont 74% en maternelle) manifestent plus de préoccupations à l’égard des effectifs par classe tandis que les plus anciens (plus de 20 ans d’ancienneté, 49%) s’inquiètent davantage concernant la maîtrise de la langue française, et ce sans distinction de leur niveau d’enseignement (primaire / secondaire). La discipline dans les établissements scolaires (28%) et le nombre insuffisant d’enseignants (27%) les préoccupent dans de moindres mesures, tout comme la préparation des élèves à la vie professionnelle (14%) ou à la sécurité dans les établissements scolaires (4%). On notera que par rapport à l’ensemble des Français, les enseignants sont tout autant préoccupés par la maîtrise de la langue française. Ils sont cependant beaucoup plus nombreux que le grand public à s’inquiéter du nombre d’enfants par classe, préoccupation indéniablement corrélée à leurs conditions de travail et à leur quotidien. A l’inverse, ils sont beaucoup moins nombreux à accorder de l’importance aux problèmes de discipline ou de sécurité dans les établissements scolaires alors que ces problèmes étaient des préoccupations majeures du grand public.

Les enseignants sont assez partagés sur l’idée que le système scolaire français doive davantage s’inspirer de celui de ses voisins européens. En effet, une petite majorité (57%, dont seulement 15% de tout à fait) estime que le système scolaire français devrait s’en inspirer davantage, contre 43% des répondants qui eux considèrent le contraire. Le niveau d’ancienneté est un facteur clivant sur cette question, les enseignants qui exercent depuis récemment leur métier prônant davantage une inspiration européenne tandis qu’à l’inverse les plus anciens semblent considérer que le système scolaire français se suffit à lui-même.

Les enseignants remettent en doute un des grands principes de l’enseignement qui est celui de la promotion sociale, et ce dans les mêmes proportions que le grand public. En effet, ils sont une majorité (56%) à considérer que l’école publique joue de moins en moins son rôle de promotion sociale. Ce sentiment se renforce avec l’ancienneté des répondants (moins de 5 ans, 47% ; plus de 20 ans, 61%) et est davantage perçu par les enseignants du secondaire (60%, dont 66% au collège). Un peu moins d’un tiers des répondants (31%) considère que l’école ne joue ni plus ni moins qu’avant ce rôle tandis que seuls 12% estiment qu’elle le joue de plus en plus.

Les enseignants se montrent enfin assez partagés envers l’attractivité que suscite leur propre métier, signe d’une certaine insatisfaction voire d’un léger malaise de la profession. En effet, seuls 48% des répondants encourageraient leur enfant à exercer ce métier, tandis que 52% ne leur recommanderaient pas. Ici encore, le niveau d’ancienneté joue un rôle déterminant, les enseignants ayant le plus d’ancienneté se montrant plus sévères à l’égard de leur métier que ne le sont les plus jeunes recrues qui elles encourageraient davantage leur enfant à devenir enseignant. Cet enseignement va à l’encontre de celui recueilli auprès du grand public qui montrait un réel engouement envers le métier d’enseignant, ce qui renforce cette idée de malaise ressenti par la profession à l’égard de leur métier.

Emilie Rey-Coquais
Chargée d'études sénior Ipsos Public Affairs

Stéphane Zumsteeg
Directeur du département Opinion Ipsos Public Affairs
stephane.zumsteeg@ipsos.com 

 attractivité

 promotion

voisins 

 

30 novembre 2011

Burn-out des profs !

 images

Voici un article paru dans les inrocks le 25/11/2011.

Personne ne prend garde à Lise Bonnafous. Il est 10 heures ce 13 octobre, c'est la récré. Des centaines d'élèves se répandent dans la cour du lycée Jean-Moulin de Béziers. Sous le préau, la prof de maths s'asperge d'essence et s'immole par le feu. Le rectorat et le ministère invoquent la "dérive personnelle" d'une personne fragile et planquent illico ses cendres dans le placard à cadavres de l'Education nationale. Ses proches s'indignent, parlent d'une prof "consciencieuse, compétente, courageuse, aimant son travail", d'un acte de désespoir quasi sacrificiel. 

Le 14 octobre, Lise Bonnafous, 44 ans, succombe à ses blessures. Le même jour, un enseignant de 33 ans tue une policière à coups de sabre et un salarié d'un lycée de Cachan se défenestre devant ses élèves. A chaque drame, même réponse : l'affaire est privée. Circulez, y a rien à voir.

Il n'existe aucune statistique officielle fiable sur les suicides et le burn-out dans l'Education nationale. Le syndicat Sud Education monte dossiers et groupes de discussions sur le sujet. Ses détracteurs l'accusent de récupérer des faits divers à des fins syndicales.

"Il faut arrêter avec le soi-disant massacre des innocents, les enseignants ne sont pas si malheureux et il y a d'autres problèmes", rapporte un grand spécialiste de l'école qui préfère garder l'anonymat.

C'est aussi l'état d'esprit de la hiérarchie.

La psychiatre Brigitte Font Le Bret soigne ceux qui ont mal au travail et n'est pas de cet avis. Après avoir dénoncé les pratiques managériales mortifères de France Télécom (Pendant qu'ils comptent les morts, La Tengo Editions), elle s'inquiète pour l'école : "Les profs remplissent ma salle d'attente. Le burn-out, au-delà du syndrome d'épuisement, est une souffrance éthique : les profs culpabilisent car ils ont le sentiment de faire du mauvais travail."

Après la sidération qui a suivi l'acte désespéré de Lise Bonnafous, la parole se libère. "La profession est d'ordinaire réservée, justifie Aude Van Kerckhove, du Snes Créteil. Mais avec les suppressions de postes, les classes surchargées et la réforme de l'évaluation qui donne tout pouvoir aux chefs d'établissement, les profs sont à bout." Les jeunes enseignants l'inquiètent particulièrement : "Les stagiaires, c'est une boucherie." La réforme de la formation des profs les a propulsés à plein temps et quasi sans préparation devant les élèves.

Aurélie*, 28 ans, a survécu mais en a " vraiment chié". Cette prof d'espagnol a failli tout lâcher quand, dans la même journée, un élève l'a bousculée, un autre lui a dit "suce ma bite", une autre a déchiré son devoir et un dernier lui a lâché : "Votre cours, c'est de la merde." Prête à craquer, elle appelle un surveillant. Un collègue lui conseille de s'arrêter, l'autre de se remettre en selle. Elle rempile. Une des jeunes collègues d'Aude a éclaté en sanglots dans ses bras quelques jours après Béziers. Et si un jour c'était moi, se demandent les jeunes profs ? Babet aurait aimé se poser cette question.

En novembre 2009, cette prof des écoles fait un burn-out. "On ne voit pas les signaux, on fonce tête baissée, passionnée par le métier qui prend aux tripes, on pense que ça n'arrive qu'aux autres", raconte-t-elle, la voix fatiguée. Elle n'a jamais vu de médecin du travail. Dans sa région, il y en a un pour deux départements. Depuis 2005, elle se sentait de plus en plus épuisée et déprimée.

"Avant, l'école avait bonne réputation, nous étions fiers de faire notre métier", lâche-t-elle.

Un jour, Babet s'assoie en face de ses petits élèves et c'est le trou noir. Le verdict de la psy tombe : "Usée." "A 50 ans, ça fait un drôle d'effet", reprendelle. Après trois ans d'arrêt, elle vient de reprendre à plein temps. "Je vais tenir jusqu'à la retraite, je ne sais pas comment."

Nina ne veut pas finir comme ça. A 29 ans, elle essaie de se réorienter. Dynamique, voix forte, déterminée, elle a tout d'une bonne prof d'histoire-géo. Depuis quatre ans, elle exerce dans un collège de Seine-Saint-Denis. "Un trou" coincé entre le RER, la nationale et la cité. "A l'entrée en sixième, presque aucun des élèves ne sait lire correctement, raconte-t-elle. Ici, le collège unique ne fonctionne pas, tout est un combat : enlever les casquettes, les blousons, sortir leurs affaires... Quand ils en ont." En 2011, elle ne termine pas l'année scolaire.

"Je tenais depuis deux ans comme un vrai Robocop et j'ai fini par faire un burn-out."

Un matin de printemps, Nina s'échine à mettre en rang ses troisièmes surexcités. Un "grand" de 1,90 mètre la bouscule. "J'ai reculé sinon il m'aurait pété la gueule", se souvient-elle. Le conseil de discipline exclut l'élève. Deux jours plus tard, Nina fait classe. Un oeuf s'écrase sur sa tête. Elle range ses affaires et ne reviendra plus. Arrêt maladie. Le premier mois, elle ne pense plus du tout au travail. Le deuxième, elle rêve qu'elle défonce ses élèves à coups de batte. "Le sang gicle, c'est hyper réaliste... La Journée de la jupe (film dans lequel le personnage d'Isabelle Adjani prend ses élèves en otage - ndlr) nous fait fantasmer, tout comme le Taser", rigole-t-elle. Puis, sérieuse :

"Les camps militaires de Ségolène Royal, j'étais pas contre. De toute façon, c'est la prison qui les attend. C'est affreux de penser ça, hein ?"

Elle se calme. Derrière la brutalité des propos, Nina sait que 223 000 lycéens viennent de sortir sans diplôme du système scolaire. Qu'une partie de ses élèves suivent ce chemin. Que ce sont les plus mal lotis, les plus pauvres. Que c'est l'échec de l'Education nationale et qu'elle ne veut pas en être. "Dans la cité, les profs ne servent à rien, on prend la poussière, on donne le brevet aux analphabètes pour atteindre les objectifs du ministère. Certains ont baissé les bras, notent large, ne font jamais de rapport d'incident. Moi, quand un élève me fait chier, c'est rapport illico." Sauf que les rapports d'incident, son proviseur ne voulait pas en entendre parler.

"Des profs se faisaient traiter de pute ? Cette ordure répondait : 'Mais madame, dans le 93, c'est culturel.' Il a tout étouffé pour que le rectorat lui file ses primes et sa mutation dans le Sud."

Bruno a des sanglots dans la voix. Dans son lycée, six profs sur soixante sont en congé longue durée. "Personne ne s'en inquiète car les chefs d'établissement veulent faire carrière donc plaire au rectorat et aux parents d'élèves qui, eux, ne veulent pas entendre parler des problèmes." Les techniques pour faire taire les profs ? "La notation administrative, par exemple : si on se plaint des élèves, notre note en autorité/ rayonnement stagne ou baisse, donc notre promotion ralentit et on ne passe plus qu'à l'ancienneté", explique Bruno.

Il y a trois ans, ce prof d'électronique a fait un burn-out. A 49 ans, il craint de ne jamais se remettre. Il se sent inutile. "Je passais mon temps à préparer des cours pour les intéresser mais on fait de la garderie." A bout, Bruno demande à changer de discipline. Son inspecteur lui répond que c'est dur de trouver un remplaçant. "Et qu'à deux ans de la retraite, il ne voulait pas s'embêter, précise Bruno. Entre collègues c'est chacun sa merde, on est un mauvais prof si on n'y arrive pas." Alors il pleure dans sa voiture avant les cours. Jusqu'au jour où il entre en classe et ne comprend plus où il se trouve. Aujourd'hui, l'idée de croiser ses élèves le pétrifie. Son rapport administratif stipule que son burn-out est sans lien avec l'exercice de la fonction.

"La dépression n'est pas une maladie du travail", explique-t-il.

A trente kilomètres de son lycée, un prof s'est ouvert le ventre dans sa classe avec un couteau, "son dossier stipule que son congé longue durée est non imputable au service".

"Il m'a tuée." Karima crie quand elle en parle. Le 29 septembre, cette prof des écoles s'écroule sur son lieu de travail après avoir avalé des médicaments. "Je suis une passionnée", explique cette Maszep (maître d'aide et de soutien en zone d'éducation prioritaire). Son poste aurait du être supprimé mais les parents d'élèves se sont mobilisés. "Ça a contrarié mon inspecteur. A la rentrée j'ai senti que ça allait barder", raconte-t-elle. Il la terrifie tellement qu'elle avait déjà failli se jeter du deuxième étage l'année d'avant.

"Il exerce un management par la peur et la menace. Pour lui, les instits sont des nuls à mettre au pas."

A la rentrée, pendant un mois, elle a été maintenue à l'inspection pour travailler sur les évaluations de l'année précédente. "Pour rien, ils ne s'en serviront pas... Alors que les élèves avaient besoin de moi."

Anne Laffeter.

*les prénoms ont été modifiés

20 novembre 2011

Déclin pour les uns, progrès pour les autres... Et la France dans tout ça ?

Pourquoi les Américains n’arrivent plus à apprendre ?

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L’éducation est le moteur de la mobilité sociale, et elle patine. Les Américains ont deux options : améliorer leur système éducatif, ou accepter un plus bas niveau de vie.
De Fareed Zakaria (in Time du 14 novembre 2011, traduit de l'anglais).

Depuis le mois dernier, nous nous sommes tous extasiés au récit de la vie de Steve Jobs, un enfant adopté par des parents ouvriers, qui a abandonné l’université pour devenir l’un des meilleurs techniciens et entrepreneurs de notre époque.

Comment a-t-il fait  cela ? Bien sûr,il était une personne extraordinaire à titre individuel, et cela explique beaucoup son succès, mais son environnement a dû également jouer un rôle.
Une part de cet environnement, c’est l’éducation. Et il est intéressant de noter que Jobs a eu une excellente éducation secondaire ; L’école qu’il a fréquentée, Homestead High à Cupertino (Californie), était une école publique de premier rang qui lui a donné de bonnes bases tant dans les sciences humaines que la technologie. Il en a été  de même pour Steve Wozniak, le plus technicien des co-fondateurs d’Apple, que Jobs a rencontré dans cette même école.

En 1972, l’année où Jobs a obtenu son diplôme de fin d’études, les écoles publiques californiennes étaient admirées du monde entier. Elles étaient généralement classées dans les meilleures du pays, bien financées et dirigées, avec d’excellents professeurs. Ces écoles ont été le moteur de la mobilité sociale qui a permis l’épanouissement de personnes telles que Steve Jobs ou Steve Wozniak.

Aujourd’hui, les écoles publiques californiennes sont un désastre, en proie au dysfonctionnement et au délabrement. Elles se classent dans les dernières du pays, tout comme les Etats-Unis qui se situent maintenant au bas de la liste des pays industrialisés en terme de système éducatif, selon la plupart des mesures internationales. Le forum économique mondial classe le système éducatif américain à la 26 ème place dans le monde, loin derrière des pays comme L’Allemagne, la Finlande, les Pays-Bas, le Danemark, le Canada et Singapour. En sciences et en mathématiques, les USA font encore pire.

Nous parlons du déclin du système éducatif américain depuis trente ans maintenant, si bien que la confusion règne dans le débat. Mais les conséquences de cette crise commencent juste à apparaître pleinement. Comme le système éducatif s’effondre, le salaire moyen des travailleurs américains stagne, et la mobilité sociale -le cœur du rêve américain- est au point mort. L’éducation est, et a toujours été, la voie la plus rapide vers l’ascension sociale. Et les bénéfices d’une bonne éducation restent évidents, même en ces temps de crise. Le taux de chômage des diplômés d’université est de 4%, mais pour les sortants de lycée il est de 14%. Si vous abandonnez vos études après le lycée -et les USA ont un taux d’abandon de 25%- vous aurez une perte sèche de niveau de vie pour le reste de votre vie.

Le besoin d’une meilleure éducation pour davantage d’Américains n’a jamais été aussi urgent. Tandis qu’ils étaient assoupis, le reste du monde est passé à la vitesse supérieure. Les pays d’Europe et d’Asie ont travaillé dur pour augmenter leur taux de diplômés du supérieur, tandis que celui des USA –autrefois l’un des plus hauts- a stagné. D’autres pays se sont concentrés sur les mathématiques et les sciences, tandis qu’en Amérique les diplômes dans des « matières » telles que le sport ou les loisirs ont proliféré.

Bill Gross, le leader de Pimco, le plus puissant fond d’investissements du monde, résume sans ambiguïté : « Notre force de travail est trop chère et pas suffisamment éduquée pour le marché du travail actuel. » On voit deux variables ici : le niveau de l’éducation, qui est bas, et les salaires, qui sont hauts. Même les Américains devront augmenter leur niveau d’éducation, ou baisser leurs salaires.

Comment faire ? Il y a une méthode simple, attestée par le temps. Travailler plus dur. Thomas Edison disait que le génie, c’était un pourcent d’inspiration et 99% de transpiration. Malcolm Gladwell a prouvé que derrière les talents supposés innés comme la virtuosité musicale, reposait énormément de pratique -selon ses calculs, environ 10 000 heures d’entraînement. Les écoliers américains passent moins de temps à l’école que leurs pairs à l’étranger. Ils ont des journées d’école plus courtes et une année scolaire plus courte. Les enfants de Corée du Sud, à la fin du lycée, auront passé presque deux ans de plus à l’école que les Américains. Est-ce donc vraiment si étrange qu’ils réussissent mieux aux tests ?

Si la Corée du Sud nous enseigne l’importance du travail, la Finlande nous apprend autre chose. Les étudiants finlandais se classent parmi les meilleurs dans les tests internationaux, mais ils n’ont pas suivi le modèle asiatique (étudier, encore étudier, toujours étudier). A la place, ils commencent l’école une année plus tard que la plupart des pays, mettent l’accent sur la créativité, et dédaignent les évaluations pendant la plus grande partie de l’année scolaire. Mais les Finlandais ont d’excellents professeurs, qui sont bien payés et traités avec le même respect que les médecins ou les juristes. Ils sont recrutés et formés à travers un protocole extrêmement rigoureux et concurrentiel. Tous les enseignants doivent avoir un master, et un sur dix seulement est accepté dans le programme de formation des professeurs. Le contraste avec les USA est flagrant. La moitié des professeurs américains ont obtenu leur diplôme en étant classés dans le dernier tiers de leur classe d’université.

Bill Gates a dépensé environ 5 milliards de dollars pour étudier et réformer le système éducatif américain. Je lui ai demandé ce qu’il ferait s’il dirigeait une école et qu’il avait une baguette magique. Sa réponse : « embaucher les meilleurs professeurs ». C’est ce qui produit les meilleurs résultats pour les étudiants, davantage que la taille de la classe, le budget, ou le programme. « Donc, la simple recherche des meilleurs enseignants est devenue notre plus gros investissement » dit-il. Une étude estime que si les étudiants noirs avaient des enseignants diplômés dans le quart supérieur quatre ans de suite, cela serait suffisant pour combler l’écart de résultats avec les étudiants blancs.

Il y a beaucoup d’autres idées qui valent la peine d’être essayées, mais on peut se perdre dans les détails du débat sur l’éducation. Ces deux idées-là semblent simples : travailler plus et avoir de meilleurs professeurs. Certes, les mettre en œuvre n’est rien moins que simple. Elles butent contre un système éducatif qui est profondément résistant au changement et des syndicats enseignants qui gardent jalousement leurs prérogatives. Toutes les mesures spécifiques qui permettraient aux étudiants de travailler davantage et aux bons professeurs d’être identifiés et récompensés -plus de jours, plus d’heures de travail, salaire au mérite- se heurtent aux syndicats enseignants et aux gardiens du statu-quo.

Si l’on  est déprimé par les obstacles devant la réforme de la bureaucratie de l’éducation, on peut être enthousiasmé par ceux qui, en dehors du système, essaient de le révolutionner.

Prenons Sal Khan, qui a accidentellement créé ce qui pourrait être une nouvelle façon d’enseigner. Il y a sept ans, ce diplômé du MIT aidait sa cousine, qui vivait de l’autre côté des Etats-Unis,  à faire ses devoirs de mathématiques. Comme se voir était difficile, un ami a suggéré qu’il mette ses diagrammes et équations sur youtube afin qu’elle puisse y accéder. Cinq ans plus tard, Khan a créé 3000 vidéos sur les maths et les sciences qui ont été vues 80 millions de fois !

Mais la vraie révolution a eu lieu en classe. L’année dernière, Los Altos (Californie) a décidé d’utiliser les vidéos de Khan et ses programmes informatiques dans ses écoles publiques. Faire cela a totalement renversé les perspectives. Dans la méthode traditionnelle, les étudiants s’assoient en classe, et reçoivent les informations de leur professeur en prenant des notes –un procédé passif qui gaspille le précieux temps de classe. Ils font le travail le plus difficile –résoudre les problèmes- chez eux, sans aide. Avec le nouveau système, ils regardent les vidéos de la Khan académiechez eux et résolvent les problèmes en classe, où le professeur peut le plus efficacement les aider ; De plus, les étudiants peuvent apprendre à leur rythme –en revoyant les vidéos- jusqu’ ce qu’ils aient réellement compris la notion. Les premiers résultats ont montré de gigantesques progrès des compétences des élèves. La technologie peut-être utilisée pour créer une éducation interactive, personnalisée, à la fois originale et performante.

La raison pour laquelle j’ai été fasciné par la Khan académie -autre le fait que j’ai utilisé ses vidéos pour mon fils de 12 ans- c’est que c’est une innovation si américaine dans son fondement, une nouvelle façon de penser l’enseignement.

J’ai été formé par le système éducatif asiatique, qui est maintenant si admiré.  Il m’a donné une base de connaissances extensives et m’a appris comment travailler vite et dur. Mais quand je suis allé au Etats-Unis pour l’Université, j’ai découvert que je n’étais pas  bien formé à penser. L’éducation américaine, à son meilleur niveau, vous apprend à résoudre des problèmes, à vraiment comprendre les documents, à questionner les références, à penser par vous-même et à être créatif. Elle vous apprend à aimer le savoir, et à savoir ce que vous aimez. Ce sont des valeurs incroyablement importantes, et c’est pourquoi les Etats-Unis ont été capables de maintenir un tel niveau dans les industries créatives et dans l’innovation en général.

Les Etats-Unis doivent vraiment faire quelque chose pour leur éducation, en remettant l’accent sur des choses basiques telles que le travail, mais aussi en renouant avec ce qui faisait sa spécificité. Les Américains ne réussiront pas en devenant plus asiatiques, mais en devenant, comme l’a dit l’écrivain James Fallows, « plus comme nous sommes ».C’est  ce qui a fait de l’Amérique la société la plus dynamique du monde, et elle peut le faire encore.   

20 novembre 2011

Propositions de logos

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Voici des propositions de logo pour le collectif.

Q'en pensez-vous ? 

Donnez votre avis à l'adresse suivante :

lesenfantsdudernierrang@gmail.com

 

14 novembre 2011

Garde à vous !

crs en classe2

Suite aux récentes suppressions de postes, la CRS 22 intervient désormais dans les classes des jeunes enseignants.
Enfin des formateurs dignes de ce nom. Dorénavant les cours de pédagogie seront remplacés par des séances de close combat !

 

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